« Après le Printemps en novembre dernier, c’est au tour de la Fnac, qui devrait quitter Italie 2 d’ici «la mi-août». La nouvelle inquiète salariés, élus et riverains du XIIIe arrondissement, qui pointent du doigt la «perte de vitesse» du centre commercial et des loyers trop élevés.
Par Céline Carez
Le 18 avril 2022 à 15h24
« Deux locomotives s’en vont coup sur coup. » De l’aveu de Jean-Baptiste Olivier, élu (LR) du XIIIe arrondissement de Paris, « c’est le coup de bambou ! » La Fnac installée dans le centre commercial Italie 2, place d’Italie (XIIIe), depuis 21 ans, va, contre toute attente, baisser le rideau. « On n’a pas encore de date précise, ajoute Évelyne Saunon, déléguée centrale du syndical Sud Fnac. Mais on nous a dit au maximum mi-août. » Le bailleur Hammerson, une foncière européenne spécialisée dans les centres commerciaux, n’a pas, dans un climat conflictuel, renouvelé le bail.
La Fnac emboîte donc les pas du Printemps, qui a fermé ses portes en novembre dernier. La librairie était sous-locataire du Printemps, qui fait partie du même groupe. Le grand magasin de la mode occupait, lui, 4 000 m2 — rez-de-chaussée et 1er étage — tandis que la Fnac, reliée par un escalator, était en sous-sol.
Des employés et des clients surpris
Vendredi dernier, en plein après-midi, l’ambiance était morose. « J’ai un pincement au cœur », souffle un des quelque 96 employés, sous couvert d’anonymat. « On ne sait pas très bien ce qui se passe, notamment où, quand et dans quelles conditions on va être recasé. Il y a des CSE prévus. On attend… » Au rayon BD, Nadir, quadra, résident du quartier des Olympiades, juste à côté, farfouille dans les bacs avec son fils. « J’ai appris la fermeture la semaine dernière. C’est incompréhensible. C’est la plus grosse librairie du XIIIe. Ça marche bien. Il y a du monde ! »
Selon Évelyne Saunon, déléguée centrale du syndicat Sud Fnac, « l’annonce de la fermeture a été violente. On n’a rien vu venir. » « Le 18 mars, à 17 heures, rembobine la syndicaliste, le directeur du magasin et le directeur de la Fnac-France ont débarqué. Ils ont donné ordre aux vigiles d’évacuer les clients. Ils nous ont réunis. On était ce jour-là une cinquantaine de salariés. Et là, ils nous ont annoncé qu’ils allaient rendre les clés au bailleur. Ça a duré dix minutes. »
« J’ai aussi beaucoup de mal à comprendre », lâche dépité Jérôme Coumet. Le maire (DVG) du XIIIe, qui suit le dossier, espère que « cette fermeture n’est pas complètement actée, que ce n’est pas cuit, qu’on peut encore le rattraper par les cheveux ». Même si reconnaît l’élu « les centres commerciaux ont souffert avec la période Covid ».
« Un signe de paupérisation du XIIIe »
Jean-Baptiste Olivier, pour qui « la nouvelle a été un choc », s’alarme : « Le départ de ces deux locomotives du centre commercial est un signe de paupérisation du XIIIe. » En passant, l’élu LR glisse que « le centre commercial Italie 2 est en perte de vitesse. Les loyers sont trop élevés. D’ailleurs, des boutiques ferment. »
Martine (le prénom a été modifié), l’une des rares commerçantes indépendantes du centre (le reste, ce sont des groupes, chaînes, franchises) installée ici « depuis des décennies », n’y va pas par quatre chemins : « Ce centre commercial est en train de mourir alors qu’au début, il y a 20 ans, tout le monde se battait pour avoir un pas-de-porte. » Martine se demande si le modèle centre commercial n’est pas « dépassé », s’il a vécu… En attendant, la commerçante ne sait pas « comment tenir financièrement. Les loyers d’Hammerson sont exorbitants. Pourtant, il y a de moins en moins de monde. Au mois de mars, mon chiffre d’affaires a chuté de 50 %. Beaucoup de magasins ferment. »
Si la direction de Fnac Paris dit « regretter cette situation », l’inquiétude des salariés est bien réelle : « Ils ne peuvent pas nous licencier, assure Évelyne Saunon. Nous devrions être dispatchés entre les sept autres Fnac de la capitale (Halles, Ternes, Champs-Élysées, Saint-Lazare, Montparnasse, Beaugrenelle). Évidemment, la plupart des propositions que les RH nous ont faites ne correspondent pas. Le travail est moins intéressant, il y a moins d’autonomie. Et c’est souvent plus loin du domicile. » Et de rappeler qu’« un vendeur débutant à la Fnac gagne le smic ».
Reste à savoir ce qui va sortir de cette ultime négociation entre la Fnac et Hammerson « qui dure depuis l’été dernier et qui a mal tourné », tacle Évelyne Saunon. De ces négociations aux allures de partie de ping-pong et de dialogue de sourd, Hammerson souligne : « Nous avons tout mis en œuvre pour éviter cette situation. Nous regrettons vivement la décision de la Fnac qui a fait le choix de ne pas rester au sein d’Italie 2. » La Fnac parle, elle, de « procédure d’expulsion ». Ambiance…
Entre-temps et depuis quelques semaines, les rumeurs vont bon train… Le nom d’Ikea circule comme remplaçant entre les allées défraîchies du centre commercial Italie 2. « Ce départ est aussi une inquiétude pour les gens de l’arrondissement, assure Jean-Baptiste Olivier. Il ne faudrait pas que la Fnac soit remplacée par un maxi-bazar. » »